Elle sourit, gamine aux grands yeux bleus, elle observe la marque sur son poignet fin et strié de veines, l'amour au bout d'une phrase
et une écriture qu'elle imagine appartenant à un être qu'elle aimera toute sa vie. Elle ne pouvait pas imaginer à cet instant, elle ne
pouvait pas imaginer rencontrer son âme sœur et réaliser qu'elle n'était pas la sienne, du haut de ses sept ans elle ne pouvait pas
savoir, ne pas imaginer pareille tragédie, elle ne pouvait pas croire à tout cela, elle refuserait d'y croire même plusieurs années
plus tard en vomissant ces pétales un peu trop sombres, comme si son sang avait revêtu le plus beau des visages et elle finirait perdue
dans un univers qui ne voulait pas d'elle.
Une erreur, elle pensait qu'elle était une erreur, pourquoi elle n'aurait pas le droit d'être comme une autre ; heureuse avec cette
marque noirâtre, heureuse d'avoir la personne qui lui était destinée à ses côtés, mais non, la joie, le bonheur, ce n'est pas pour tout
le monde, ce n'est pas pour ceux qui ont une mauvaise étoile. La vérité avait percuté son cerveau quand elle avait vu la marque de
l'autre, elle avait vu ces mots, cette écriture qui n'était pas la sienne, et elle avait senti une remontée, une fleur atterrissant au
sol dans un gémissement de douleur, pétales qui se détachaient comme rongées par un mal de l'âme. Certains de ses amis, eux, avaient
trouvé leur âme soeur grâce à une agence matrimoniale employant des personnes peu ordinaires. D'autres trouvaient le grand amour, ne s'en
doutait pas dès le départ, il suffisait d'une phrase simple pour que l'espoir se change en lacement un seul bonjour pouvait devenir une
marque d'espoir, une simple question un signe du destin, des phrases qui n'étaient que des banalités qui se transformaient subitement,
l'espoir qui s'étiolait au fil du temps et des mêmes mots pour tous, chanceux étant ceux qui reconnaissaient leur âme soeur au premier
mot et au premier toucher, parce que les coïncidences peuvent aussi détruire des vies, parce que des mots un peu trop simples peuvent
simplement être un signe qui n'en est pas un. Parce que parfois, certaines personnes étaient liées à une personne qui ne l'était pas à
elle.